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Pourquoi les influenceurs (et Kyan Khojandi) veulent nourrir leurs fans
Regardez les rayons de supermarché aux US. Vous y verrez des barres chocolatées conçues par des YouTubers, du café signé par des stars de TikTok, des boissons énergétiques portées par des streamers.

Quelque chose est en train de changer dans la manière dont les marques alimentaires se créent, se développent et s’imposent. Les influenceurs ne se contentent plus de recommander. Ils lancent leurs propres marques.
Et ça marche.
Parfois.
Une économie de 500 milliards en formation
L’économie des créateurs (YouTubers, TikTokeurs, streamers et Instagrammeurs) vaut environ 250 milliards de dollars en 2024. D’ici 2034, certains analystes projettent un marché à 1 487 milliards, soit une croissance annuelle moyenne de 26,4%.
À l’intérieur de cet écosystème, l’influence marketing pèsera 22,2 milliards de dollars en 2025. Mais il ne s’agit plus uniquement de placements de produits. Les créateurs deviennent des fondateurs de marques. Ils construisent des actifs. Des entreprises. Des produits tangibles. Et surtout, ils transforment leur lien émotionnel avec leurs communautés en business.
Des chiffres qui donnent le tournis
Prenons Prime, la marque de boissons énergétiques lancée par Logan Paul et KSI. 250 millions de dollars de ventes dès la première année, puis 1,2 milliard de dollars en 2023. En deux ans, ils ont vendu 1 milliard de bouteilles.

C’est plus rapide que Red Bull. Plus agressif que Gatorade. Mais en 2024 ? Les ventes chutent de 50% au Royaume-Uni. La hype est une vague, pas une base.
Autre exemple : Alani Nu, lancée par la fitness star Katy Hearn, affiche 595 à 600 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2024. En février 2025, elle est rachetée par Celsius pour 1,8 milliard de dollars.

Dans un autre registre, Chamberlain Coffee, fondée par la YouTubeuse Emma Chamberlain, génère environ 6 millions de dollars par an, est distribuée chez Target, Walmart, Whole Foods, et vient d’ouvrir son premier café physique à Los Angeles.
Même Feastables, la marque de chocolat de MrBeast, a vendu 1 million de barres en 72 heures lors du lancement, généré 10 millions de dollars en quelques mois, et a réussi une expansion dans plus de 10 pays.

Et la France dans tout ça ?
La France suit cette même tendance, avec des influenceurs qui transforment leur popularité en véritables marques alimentaires à succès. Charles Gilles-Compagnon, connu sous le nom de FastGoodCuisine sur YouTube, a lancé Pepe Chicken, spécialisé dans le poulet frit à livrer, et Pops Drink, une marque de thé glacé positionnée sur le segment santé avec déjà 100 000 canettes vendues le premier mois de son lancement.

Mister V, humoriste et YouTubeur, rencontre un énorme succès avec Pizza Delamama, vendue en grande surface. Depuis son lancement en 2022, près de 6 millions de pizzas ont été vendues, portées par un marketing humoristique et viral fidèle à son image.
Caroline Receveur s'est positionnée très tôt sur le marché du bien-être avec Wandertea (qui semble fermé à présent), une marque de thés et infusions naturels et made in France, répondant à une demande croissante pour des produits de santé et détox, principalement en ligne avec des pop-up stores occasionnels.
Dans un registre premium, Andie Ella, créatrice de contenu lifestyle, a lancé Mila Matcha, proposant du thé matcha de haute qualité importé du Japon, avec un marketing fondé sur l'authenticité et une qualité revendiquée supérieure.

Enfin, Léna Situations se distingue avec Hôtel Mahfouf, un concept store qui intègre régulièrement des expériences culinaires et boissons dans ses événements physiques éphémères, capitalisant sur une expérience globale qui attire une audience jeune très engagée.
Ces influenceurs français capitalisent sur leur communauté et leur authenticité perçue, adoptant des stratégies de distribution digitales natives ou ciblant rapidement les réseaux de grande distribution. Ce phénomène montre que la France n'échappe pas à cette transformation du secteur agroalimentaire portée par l'économie des créateurs.
Le pouvoir du lien
Pourquoi ça fonctionne ? Parce que 92% des consommateurs font davantage confiance à la recommandation d’un influenceur qu’à la publicité classique. Et 82% seraient prêts à acheter un produit recommandé par un créateur qu’ils suivent.
Mais cette confiance repose sur une ligne fine : l’authenticité.
Emma aime le café depuis toujours ? Parfait. Logan Paul est connu pour son énergie ? Ok. Pokimane est une icône du self-care ? Oui. Le produit doit coller à la personne. Sinon, ça casse.
L’illusion de la première vente
Les influenceurs peuvent vendre beaucoup, très vite. Mais après ? C’est là que tout se joue. Et c’est là que beaucoup échouent.
Feastables, malgré son lancement explosif, a subi de nombreuses critiques sur le goût : chocolat trop sucré, texture cireuse, qualité médiocre. Prime, de son côté, fait face à plusieurs procès (notamment pour des substances controversées), et sa formule riche en caféine a été interdite dans certaines écoles. Emma Chamberlain, malgré son succès, regrette à moitié d’avoir lancé sa marque à cause du stress opérationnel.
Les premières ventes sont faciles quand on a 10 millions de followers. Les ventes récurrentes exigent un bon produit.
Derrière le rideau : la vraie complexité
Créer un snack ou une boisson, ce n’est pas juste apposer un nom sur un packaging. C’est de la logistique, de la supply chain, de la formulation produit, des normes, des contrats avec les distributeurs, de la marge, de la gestion des stocks, des retours clients. Ce sont des métiers à part entière.
La plupart des influenceurs s’associent avec des pros : Congo Brands pour Prime, Bixby Roasting pour Chamberlain Coffee, des CEO expérimentés pour Myna Snacks ou Feastables. Ceux qui ne le font pas échouent.
Mais que fait Kyan Khojandi dans cette histoire ?

Il veut structurer ce que beaucoup improvisent. Avec Le Bon Moment, son startup studio lancé en 2025 avec Donatien Bozon, Kyan Khojandi veut professionnaliser le lancement de marques par des créateurs. Objectif : lever 1 million d’euros pour lancer deux premières marques dans l’alimentaire (snacks, boissons, sauces…), avec un modèle inspiré des US.
Plutôt que de coller son nom sur un produit, il propose un accompagnement complet : financement, logistique, marketing, expertise. Chaque créateur devient un entrepreneur, avec une vision long terme et un produit qui tient la route.
En visant un marché estimé à 7 milliards d’euros et en s’appuyant sur l’expérience de plateformes comme YouTube ou Snap, Le Bon Moment veut faire en France ce que MrBeast ou Logan Paul ont fait aux États-Unis : transformer l’influence en actifs durables.
Ce qui arrive ensuite
Plusieurs tendances dessinent le futur :
L’IA va aider les créateurs à affiner leur stratégie, produire plus, et personnaliser les messages.
Les marques vont se spécialiser sur des niches : sans gluten, riche en protéines, végétalien, etc.
Le marché va se consolider : certains influenceurs vont vendre à Nestlé, PepsiCo ou Unilever. D’autres disparaîtront.
Les consommateurs, surtout Gen Z, veulent de la valeur et des valeurs : sourcing éthique, durabilité, transparence.
Et pour les influenceurs, le message est clair : ne lance pas de produit juste pour l’argent. Ton nom ne suffit plus.
La conclusion ? C’est le produit
Tu peux avoir 30 millions d’abonnés. Tu peux créer une vidéo qui fait 100 millions de vues. Mais si ton soda a un goût de médicament ou si ton cookie coûte 6€ pour 50 grammes sans saveur ? Tu ne feras pas de deuxième vente.
L’influence peut faire exploser une marque. Mais le goût et l’expérience décide de sa survie.
Et le plus ironique ? Ce sont les influenceurs les plus authentiques, ceux qui ne semblent pas vouloir vendre, qui vendent le plus. Parce que tu n’achètes pas une barre chocolatée. Tu achètes une part d’une histoire. Et cette histoire, il faut qu’elle soit bonne.